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de bien qui ne puisse encore sortir de ton ame. Ah ! crois-moi, tu pourrois beaucoup perdre avant qu’aucune autre plus sage que toi te valût jamais.

Enfin tu me restes ; je puis me consoler de tout, hors de te perdre. Ta premiere lettre m’a fait frémir. Elle m’eût presque fait désirer la seconde, si je ne l’avois reçue en même tems. Vouloir délaisser son amie ! projeter de s’enfuir sans moi ! Tu ne parles point de ta plus grande faute. C’étoit de celle-là qu’il faloit cent fois plus rougir. Mais l’ingrate ne songe qu’à son amour… Tiens, je t’aurois été tuer au bout du monde.

Je compte avec une mortelle impatience les momens que je suis forcée à passer loin de toi. Ils se prolongent cruellement. Nous sommes encore pour six jours à Lausanne, après quoi je volerai vers mon unique amie. J’irai la consoler ou m’affliger avec elle, essuyer ou partager ses pleurs. Je ferai parler dans ta douleur moins l’inflexible raison que la tendre amitié. Chere cousine, il faut gémir, nous aimer, nous taire, &, s’il se peut, effacer à force de vertus une faute qu’on ne répare point avec des larmes ! Ah ! ma pauvre Chaillot !