Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/345

Cette page n’a pas encore été corrigée

même l’en avoir prié, je sortis de chez lui avec la résolution, que j’ai tenue, de n’y plus remettre les pieds ; car on ne me revoit guère où j’ai été une fois mal reçu, & il n’y avoit point ici de Diderot qui plaidât pour M. de J

[onvill] e. Je cherchai vainement dans ma tête quel tort je pouvois avoir avec lui : je ne trouvai guère. J’étois sûr de n’avoir jamais parlé de lui ni des siens que de la façon la plus honorable ; car je lui étois sincèrement attaché, & outre que je n’en avois que du bien à dire, ma plus inviolable maxime a toujours été de ne parler qu’avec honneur des maisons que je fréquentois.

Enfin à force de ruminer, voici ce que je conjecturai. La dernière fois que nous nous étions vus, il m’avoit donné à souper chez des filles de sa connoissance, avec deux ou trois commis des affaires étrangères, gens très-aimables, & qui n’avoient point du tout l’air ni le ton libertin : & je puis jurer que de mon côté la soirée se passa à méditer assez tristement sur le malheureux sort de ces créatures. Je ne payai pas mon écot, parce que M. de J

[onvill] e nous donnoit à souper, & je ne donnai rien à ces filles, parce que je ne leur fis point gagner comme à la Padoana, le payement que j’aurois pu leur offrir. Nous sortîmes tous assez gais & de très-bonne intelligence. Sans être retourné chez ces filles, j’allai trois ou quatre jours après dîner chez M. de J

[onvill] e que je n’avois pas revu depuis lors, & qui me fit l’accueil que j’ai dit. N’en pouvant imaginer d’autre cause que quelque mal-entendu relatif à ce souper, & voyant qu’il ne vouloit pas s’expliquer, je pris mon parti & cessai de le