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répliquai que c’étoit moins accorder une grace que perpétuer un châtiment. Enfin j’obtins, à force d’instances, qu’il ne seroit fait mention de rien dans les registres & qu’il ne resteroit aucune trace publique de cette affaire. Tout cela fut accompagné, tant de la part du roi que de celle de M. de Tressan, de témoignages d’estime & de considération dont je fus extrêmement flatté ; & je sentis en cette occasion que l’estime des hommes qui en sont si dignes eux-mêmes produit dans l’âme un sentiment bien plus doux & plus noble que celui de la vanité. J’ai transcrit dans mon recueil les lettres de M. de Tressan avec mes réponses & l’on en trouvera les originaux dans mes papiers.

Je sens bien que si jamais ces mémoires parviennent à voir le jour, je perpétue ici moi-même le souvenir d’un fait dont je voulois effacer la trace ; mais j’en transmets bien d’autres malgré moi. Le grand objet de mon entreprise, toujours présent à mes yeux, l’indispensable devoir de la remplir dans toute son étendue, ne m’en laisseront point détourner par de plus faibles considérations qui m’écarteroient de mon but. Dans l’étrange, dans l’unique situation où je me trouve, je me dois trop à la vérité pour devoir rien de plus à autrui. Pour me bien connoître, il faut me connoître dans tous mes rapports, bons & mauvais. Mes confessions sont nécessairement liées avec celles de beaucoup de gens : je fois les unes & les autres avec la même franchise en tout ce qui se rapporte à moi, ne croyant devoir à qui que ce soit plus de ménagemens que je n’en ai pour moi-même & voulant toutefois en avoir beaucoup plus. Je veux être toujours juste