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L’argousse ou hippophaë, a l’extrémité de ses rameaux terminés par une épine, & ses fruits sont par paquets entassés sur les branches à la base des feuilles, au nombre de trois jusqu’à neuf, adhérens à la tige. Ce sont des baies succulentes, d’abord vertes, jaunes en automne & rougeâtres pendant l’hiver, auquel elles résistent ainsi que les feuilles, & sont mangées par les oiseaux. Ces baies sont rondes de la couleur des grains de maïs, un peu moins grosses, sont remplies d’un suc jaunâtre acide, & renferment un seul noyau dans leur centre.*

[*Cordus a fait une remarque bien digne d’un Chimiste du quinzieme siecle, il dit avoir observé trois substances différentes dans le fruit de l’hippophaë : l’une pulpeuse insipide sous l’écorce, la seconde aqueuse & acide sur le noyau, & une troisieme huileuse dans le noyau même.]

Ces observations sont entrevoir l’équivoque à laquelle la ressemblance de figure des feuilles, & de la grandeur ou du voisinage de ces deux arbrisseaux ont donné lieu ; mais elles ne sont pas même soupçonner la raison qui a pu faire croire qu’un fruit acide est un poison. Que notre hippophaë soit celui des Grecs, quoiqu’on n’en tire pas ici un suc laiteux, épaissi, purgatif &c. cela est possible, & la plante qui fournit la gomme adragant en est une preuve, quant à la consistance qu’elle acquiert dans les pays chauds & non dans nos Alpes où la plante est très-commune. Mais qu’un arbrisseau dont tous les animaux herbivores mangent les feuilles & les granivores le fruit : que ce fruit acide que Dalechamp recommande, & avec lequel on fait réellement du verjus ici chez les pauvres : que ce même fruit sans âcreté, sans aucun goût, fade, nauséeux soit un poison : que ce poison n’ait seulement pas été soupçonné dans des pays