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pays ; & après avoir eu une jeune fort orageuse, & changé plusieurs fois de religion, ne goûta pas dans sa vieillesse le repos & l’aisance que sa célébrité auroit dû lui procurer.

Je sens, Monsieur, qu’à l’aide de cette prétendue aversion pour toute sorte de métiers, il vous seroit bien doux d’établir entre les goûts, la conduite, & les écrits de Jean-Jaques, une opposition dont vous tireriez grand parti ; quoiqu’il ne fût ni extraordinaire, ni choquant, qu’à l’âge de 50 ans, il eût conseillé dans Emile, ce à quoi sa jeunesse fort orageuse n’auroit pas voulu se plier. Malheureusement, je ne puis contribuer à vous procurer cette délicieuse jouissance ; car ce ne fut point par aversion pour le métier de graveur, que Jean-Jaques quitta Geneve, mais pour se soustraire à la brutalité du maître qui le lui enseignoit. Le seul métier pour lequel Jean-Jaques ait eu de l’aversion est celui de Procureur, auquel on l’avoit d’abord destiné, & pour lequel son incapacité, très-croyable assurément, le fit exclure de la maison où on l’avoit placé pour l’apprendre. Mais Monsieur, qu’appeliez vous le roman de sa vie ? Il me semble qu’on entend par roman un tissu d’aventures supposées. Est-ce qu’il ne seroit pas vrai que Jean-Jaques eût vécu comme il a vécu ?.....Ce qui l’est incontestablement, c’est que vers sa seizieme année, il fit à Turin abjuration de la religion Protestante, dans le sein de laquelle il rentra, étant à Geneve en 1754. Voilà comment, votre avis, il a changé plusieurs fois de religion ; & comment, au mien, il n’en a changé qu’une.

(Tout ceci est tiré d’une vie de Rousseau que nous avons sous les yeux, faite par lui, & écrite de sa main).