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productions musicales que sa veuve vient offrir au public."

"On aime à se représenter l’éloquent & profond Auteur du Contrat Social, modulant sur un clavier des airs champêtres, des vaudevilles & des romances ; mais on s’étonne de voir ce véhément écrivain, ce génie libre & fier, accoutumé à méditer sur les intérêts des souverains & des peuples, & né ce semble, pour leur faire adorer la justice, oubliant tout-à-coup sa destinée glorieuse, pour embrasser la profession des mercenaires, & devenir un simple copiste de musique. Celui qui consacra des hymnes à la vertu, qui fut réveiller en nous l’instinct sublime de la liberté, qui fait encore retentir la voix de la nature dans le cœur des meres, n’a-t-il donc pu subsister des produits de ses chefs-d’œuvre ?"

"La langue Françoise entre ses mains, n’est-elle pas devenue un instrument aussi mélodieux que celle du Tasse, aussi riche que celle de Pope, aussi expressif que celle des orateurs de Rome & d’Athenes ? L’homme enfin qui devoit tenir un des premiers rangs parmi ses semblables, à qui tôt ou tard on élevera des monumens publics, étoit-il donc fait pour vivre & mourir au sein de l’indigence ? Est-ce là le sort du bienfaiteur de l’humanité ? Proscrit par ses concitoyens, fugitif au milieu des Alpes, toléré chez une nation hospitaliere ; mais obligé d’imposer à son génie un silence absolu, il ne laisse pour héritage à sa respectable veuve que des mémoires dont elle ne peut tirer aucun parti, parce que des convenances sociales en arrêtent la publicité. L’unique ressource de Madame Rousseau consiste en un recueil de petits airs composés par l’Auteur d’Emile & d’Héloise :