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authentique pleinement la vérité de son exposé, & le fondement du jugement qu’il porte en conséquence sur lui-même. En effet, quand on a comme lui, connu si parfaitement le cœur humain & le sien propre, & qu’on a confessé ensuite sa vie entiere, il faut être un ange pour porter de soi devant Dieu un semblable témoignage, ou un monstre pour le produire avec le désaveu secret de la conscience.

Sous ce point de vue, que doit paroître l’entreprise d’un pareil livre ? Quelle est la créature assez grande pour en concevoir seulement la pensée ! Quelle est celle sur-tout assez courageuse, assez vraie pour l’exécuter de bonne soi ? Quelle est celle enfin assez pure, pour qu’après une telle confession, il en résulte, non pas tant un témoignage aux glorieux à produire pour soi, mais un témoignage aussi consolant pour un homme qui craint l’Etre suprême, & qui aime sincérement la vertu ? L’idée d’une pareille entreprise fait pâlir de crainte, ou transporte d’admiration. Oui, on le répete, il n’y a qu’un homme bien supérieur à la nature humaine qui ait pu l’exécuter, ou un être impie qui ait osé vouloir tromper les hommes, sans pouvoir croire tromper Dieu même.

Vertueux Rousseau ! on a bientôt porté sur toi son jugement. Toute ta vie dicte nécessairement la seule opinion qu’on puisse adopter sur un acte si essentiel de ta part. Oui, homme rare, & peut-être trop peu connu encore, malgré ton grand renom ! Tu n’as point eu & tu n’auras point d’imitateurs ; ou si tu en as, tu n’auras jamais d’égaux.

Non, sans doute tu n’as pas voulu mentir au Ciel & à la terre dans un écrit si sérieux. Toutes les actions de ta vie cautionnent