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Le judicieux Jean-Jaques ne manqua pas de conclure que c’étoit moi qui le privoit de la douce consolation d’être dans une prison perpétuelle, & que même j’avois tant de crédit chez les prêtres, que je le faisois excommunier par les chrétiens de Moutiers-Travers & de Boveresse.

Ne pensez pas que je plaisante, Monsieur ; il écrit dans une lettre du 24 juin 1765 : Être excommunié de la façon de M. de V. m’amusera fort aussi. Et dans sa lettre du 23 mars, il dit : M. de V. doit avoir écrit à Paris qu’il se fait fort de faire chasser Rousseau de sa nouvelle patrie.

Le bon de l’affaire est qu’il a réussi à faire croire pendant quelque tans cette folie à quelques personnes ; & la vérité est que, si au lieu de la prison qu’il demandoit a Messieurs de Berne, il avoit voulu se réfugier dans la maison de campagne que je lui avois offerte, je lui aurois donne alors cet asyle, où j’aurois eu soin qu’il eût de bons bouillons avec des potions rafraîchissantes ; bien persuadé qu’un homme, dans son état, mérite beaucoup plus de compassion que de colere.

Il est vrai qu’à la sagesse toujours conséquente de sa conduite & de ses écrits, il a joint des traits qui ne sont pas d’une bonne ame. J’ignore si vous savez qu’il a écrit des Lettres de la Montagne. Il se rend dans la cinquieme lettre formellement délateur contre moi ; cela n’est pas bien. Un homme qui a communié sous les deux especes, un sage à qui on doit élever des statues, semble degrader un peu son caractere par une telle manœuvre ; il hasarde son salut & sa réputation.

Aussi la premiere chose qu’ont faire Messieurs les Médiateurs de France, de Zurich & de Berne, a été de déclarer solemnellement