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lui en faire un reproche sensible. Sans quoi, pourquoi eût il différé si long - tans à mettre au jour son différend avec Rousseau ? Pourquoi eût il attendu d’en être pressé aussi vivement qu’il l’a été par ce dernier ? Tant de modération n’est pas naturelle ! Mais il est humiliant de passer pour un homme qui est indifféremment l’ami de tout le monde.

Si j’avois été à la place de M. Hume, & que j’eusse été réellement innocent de toute trahison, je lui aurois écrit : “quoique je sois innocent, & que par conséquent je doive ressentir plus vivement la dureté de votre lettre, cependant je ne puis m’empêcher d’estimer les principes qui vous l’ont dictée ; vous auriez pu me soupçonner d’un peu de foiblesse, mais jamais de trahison. N’attendez pas que je me justifie ; un homme qui est parvenu mon âge sans qu’on puisse lui reprocher la moindre perfidie, doit trouver sa justification dans sa vie passée. Je cesserai de vous servir, de peur de vous paroître encore plus suspect, & je ne me chargerai de vos intérêts, que quand vous serez convaincu que je mérite toute votre confiance.”

Si le public étonné de mon différend avec Rousseau, m’eût mis dans la nécessité d’en mettre au jour les motifs, je me serois contenté de lui donner les lettres de Rousseau & la mienne : une conduite aussi remplie de modération, m’eût attiré l’éloge d’une nation aussi généreuse que la nation Angloise, & l’estime de tous les gens qui pensent avec noblesse.

Examinons à présent la conduite de M. Hume : M. Hume savoit qu’il ne pouvoir se dire le bienfaiteur de Rousseau, si-tôt que ce dernier refusoit la pension qu’il sollicitoit pour lui ; M.