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"J’apprends que le fils du*

[*Nous n’avons pas été autorisés à supprimer cette injure : mais elle est trop grossiere & trop gratuite pour blesser le célébré & estimable Médecin sur qui elle tombe. Note des Editeurs.] jongleur Tronchin, mon plus mortel ennemi, est non-seulement l’ami, le protégé de M. Hume, mais qu’ils logent ensemble, & quand M. Hume voit que je sais cela, il m’en fait la confidence, m’assurant que le fils ne ressemble pas au pere. J’ai logé quelques nuits dans cette maison, chez M. Hume, avec ma gouvernante, & à l’air, à l’accueil dont nous ont honorésses hôtesses, qui sont tes amies, j’ai jugé de la façon dont lui ou cet homme qu’il dit ne pas ressembler à son pere, ont pu leur parler d’elle & de moi."*

[*Me voilà donc accusé de trahison parce que je suis l’ami de M. Walpole, qui a fait une plaisanterie sur M. Rousseau ; parce que le fils d’un homme, que M. Rousseau n’aime pas, se trouve par hasard logé dans là même maison que moi ; parce que mes hôtesses, qui ne savent pas un mot de François, ont regardé M. Rousseau froidement !.... Au reste, j’ai dit seulement à M. Rousseau que le jeune Tronchin n’avoit pas contre lui les mêmes, préventions que son pere.]

"Ces faits combinés entr’eux & avec une certaine apparence générale, me donnent insensiblement une inquiétude que je repousse avec horreur. Cependant les lettres que j’écris n’arrivent pas ; j’en reçois qui ont été ouvertes ;& toutes ont passé par les mains de M. Hume.*

[*Ces imputations d’indiscrétions & d’infidélité sont si odieuses, & les preuves en sont si ridicules, que je me crois dispensé d’y répondre.] Si quelqu’une lui échappe, il ne peut cacher l’ardente avidité de la voir. Un soir, je vois encore chez lui une manœuvre de lettre dont je suis frappé.*

[* Il faut dire ce que c’est que cette manœuvre. J’écrivois sur la table de M. Hume, en son absence, une réponse à une lettre que je venois de recevoir. Il arrive, très - curieux de savoir ce que j’écrivois ? & ne pouvant presque s’abstenir d’y lire. Je ferme ma lettre sans la lui montrer, & comme je la mettois dans ma poche, il la demande avidement, disant qu’il l’enverra le lendemain jour de poste. La lettre reste sur sa table. Lord Newnham arrive, M. Hume sort un moment ; je reprends ma lettre, disant que j’aurai le tems de l’envoyer le lendemain. Lord Newnham m’offre de l’envoyer parle paquet de M. l’Ambassadeur de France, j’accepte. M Hume rentre tandis que Lord Newnham fait son enveloppe, il tire son cachet. M Hume offre le sien avec tant d’empressement qu’il faut s’en servir par préférence. On sonne, Lord Newnham donne la lettre au laquais de M. Hume pour la remettre au sien qui attendoit en bas avec son carrosse, afin qu’il la porte chez M. l’Ambassadeur. À peine le laquais de M. Hume étoit hors de la porte que je me dis, je parie que le maître vs le suivre : il n’y manqua pas. Ne sachant comment laisser seul Mylord Newnham, j’hésitai quelque tems avant que de suivre à mon tour M. Hume ; je n’apperçus rien, mais il vit très-bien que j’étois inquiet. Ainsi, quoique je’n’aye reçu aucune réponse à ma lettre, je ne doute pas qu’elle ne soit parvenue ; mais je doute un peu, l’avoue, qu’elle n’ait pas été lue auparavant. ] Après le souper, gardant