Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/313

Cette page n’a pas encore été corrigée

moyens de lui rendre service, je ne m’attendois gueres à être moi -même la victime de cette malheureuse disposition de caractere.

Il est nécessaire que je rappelle ici une lettre qui avoit été écrite à Paris, l’hiver dernier, sous le nom supposé du roi de Prusse. En voici la copie.

MON CHER JEAN-JAQUES,

“Vous avez renoncé à Geneve, votre Patrie. Vous vous êtes fait chasser de la Suisse, pays tant vanté dans vos Ecrits ; la France vous a décrété ; venez donc chez moi. J’admire vos talens ; je m’amuse de vos rêveries qui (soit dit en passant), vous occupent trop & trop long-tems. Il faut à la fin être sage & heureux ; vous avez fait assez parler de vous par des singularités peu convenables à un véritable grand homme : démontrez à vos ennemis que vous pouvez avoir quelquefois le sens commun : cela les fâchera sans vous faire tort. Mes Etats vous offrent une retraite paisible : je vous veux du bien & je vous en serai, si vous le trouvez bon. Mais si vous vous obstinez à rejetter mon secours, attendez-vous que je ne le dirai à personne. Si vous persistez à vous creuser l’esprit pour trouver de nouveaux malheurs, choisissez - les tels que vous voudrez ; je suis Roi, je puis vous en procurer au gré de vos souhaits ; &, ce qui surement ne vous arrivera pas vis-à-vis de vos ennemis, je cesserai de vous persécuter, quand vous cesserez de mettre votre gloire à l’être."

"Votre bon ami FRÉDERIC.”