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n’avoir pas toujours besoin du concours des autres hommes pour se procurer des plaisirs, & il se commet tant d’injustices dans le monde, l’on y est sujet à tant de revers, qu’on a souvent occasion de s’estimer heureux de trouver des amis & des consolateurs dans son cabinet, au défaut de ceux que le monde nous ôte ou nous refuse.

Mais il s’agit d’en faire naître le goût à M. votre fils, qui témoigne actuellement une aversion horrible pour tout ce qui sent l’application. Déjà la violence n’y doit concourir en rien, j’en ai dit la raison ci-devant mais pour que cela revienne naturellement, il faut remonter jusqu’à la source de cette antipathie. Cette source est un goût excessif de dissipation qu’il a pris en badinant avec ses freres & sa sœur, qui fait qu’il ne peut souffrir qu’on l’en distraise un instant, & qu’il prend en aversion tout ce qui produit cet effet : car d’ailleurs, je me suis convaincu qu’il n’a nulle haine pour l’étude en elle-même, & qu’il y a même des dispositions dont on peut se promettre beaucoup. Pour remédier à cet inconvénient, il faudroit lui procurer d’autres amusemens qui le détachassent des niaiseries auxquelles il s’occupe, & pour cela, le tenir un peu séparé de ses freres & de sa sœur ; c’est ce qui ne se peut gueres faire dans un appartement comme le mien, trop petit pour les mouvemens d’un enfant aussi vis & où même il seroit dangereux d’altérer sa santé, si l’on vouloit le contraindre d’y rester trop renfermé. Il seroit plus important, Monsieur, que vous ne pensez, d’avoir une chambre raisonnable pour y faire son étude & son séjour ordinaire ; je tâcherois de la lui rendre aimable par ce