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je me regarderois comme téméraire & même injuste, si je pensois autrement.

Cela n’empêche pas, Monsieur & très-honoré Frère, qui je ne gémisse avec vous dans le fond de mon ame des progrès que fait l’incrédulité, du mépris que l’on fait ouvertement de la religion, du culte & des ministres. Chacun aujourd’hui veut faire l’esprit fort, & avoir des doutes ; il n’y a pas jusques aux femmes qui ne s’en mêlent ; depuis que la nouvelle fausse philosophie est venue à la mode, chacun veux dire sa raison & déraisonne.

J’ai eu occasion de dire bien des choses là-dessus à mon troupeau le jour du jeûne, ayant pris pour texte le V. 51 du Chap. VII du livre des Actes. Quoique je ne sois pas assez présomptueux que de priser mes ouvrages, cependant si vous êtes curieux de lire ce sermon, qui m’a paru avoir été goûté, je vous en envoyerai une copie, en le soumettant d’avance à votre censure, & en vous priant de me faire part de vos remarques, dont je serai mon profit.

J’avois oublié de vous dire, que sur la relation que j’ai faite à notre compagnie de ma conduite avec M. Rousseau, elle n’ai pas été désapprouvée : cela n’a pas empêché qu’elle n’ait fait des démarches auprès du Gouvernement, pour que son EMILE ne se répandît pas dans ce pays.

Je ne sais comment la lettre que m’a écrite M. Rousseau est tombée à Genève, ignorant du reste si elle est fidelle, car je n’en ai laissé prendre aucune copie, M. Rousseau m’a assura qu’il n’en avoit point envoyé dans votre ville, & ne l’avoit communiquée à qui que ce soit.