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me seroit impossible, malgré toute ma bonne volonté, de soutenir une longue séance, &, sur la matiere de soi qui fait l’unique objet de la citation, réfléchissant que je pouvois également m’expliquer par écrit, je n’ai point douté, Messieurs, que la douceur de la charité ne s’alliât en vous au zele de la foi, & que vous n’agréassiez dans cette lettre la même réponse que j’aurois pu faire de bouche aux questions de M. de M * **. quelles qu’elles soient."

"Il me paroît donc qu’à moins que la rigueur dont la vénérable Classe juge à propos d’user contre moi, ne soit fondée sur une loi positive, qu’on m’assure ne pas exister dans cet Etat ;*

[*Et qui n’y existera jamais, qu’au plus grand malheur de ses habitans.] rien n’est plus nouveau, plus irrégulier, plus attentatoire à la liberté civile, & sur-tout plus contraire & l’esprit de la religion qu’une pareille procédure en pure matiere de foi."*

[*M. Rousseau pouvoit ajouter que rien ne contraste plus avec la conduite même de notre Clergé, qui vers la fin du siecle parte refusa d’adopter le Consensus, soit la profession de foi reçue par les autres Eglises Protestantes de la Suisse ; & cela, pour ne point se gêner la conscience, qui jusqu’à présent à persisté dans ce refus, mais qui pourtant voudroit aujourd’hui imposer sur les particuliers, un joug qu’il a trouvé trop pesant pour le porter lui-même. Que nos Ministres commencent du moins par bien établir leur profession de foi uniforme & orthodoxe : en attendant, nous nous souviendrons de ce fait si récent, que dans la derniere édition d’un petit ouvrage reçu dans cet Etat à l’usage des écoles publiques, édition faite sous la seule direction de nos Pasteurs, & sans la participation requise du Magistrat, plusieurs passages de l’Ecriture sainte, se trouvent supprimés, sans doute par de bonnes raisons, entr’autres ceux-ci.

“Il y en a trois qui rendent témoignage dans le Ciel ; le Pere, la Parole & le Saint Esprit ; & ces trois-là sont un. I. Epître de S. Jean chap. 5. v. 7. "

"Que toutes choses se fassent avec bienséance & avec ordre. I. Epître aux Corinth. chap. 14. v. 40."

"Ces trois choses demeurent, la foi, l’espérance & la charité, mais la plus grande est la charité. Idem, chap. 13.v. 13."

Voyez encore la premiere Epître à Timothée chap. 1. v. 5. L’Evangile selon S. Jean, chap. 5 v. 39. & v. 58. L’Epître aux Romains, chap. 10. v. 9. & 13. L’Epître à Tite, chap. 3. v. 8. La premiere Epître de S. Pierre, chap. 3. V. 13. L’Epître de S. Jude, v. 20. & 21. &c. &c. &c.

À la bonne heure que notre Clergé cherche à innover dans la doctrine reçue ! mais vouloir à l’instruction unir l’inquisition, c’est trop prétendre dans un pays dont chaque citoyen suce avec le lait de sa nourrice, l’amour de la liberté & de ses droits. Que nos Pasteurs se rappellent les flots de sang dont une semblable prétention inonda les Pays-Bas, & surement l’esprit de corps cédera avec attendrissement ou avec effroi, à l’esprit de patriotisme.]