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Oui, dit Rousseau, vos organes intérieurs se trouvent à la vérité dans la même situation où ils étoient à la vue du chêne, mais par l’effet d’une opération très-différente. Et quant à que vous dites que cette situation doit produire une sensation : qu’appelle vous sensation ? dit-il ; si une sensation est l’impression transmise par l’organe extérieur à l’organe intérieur, la situation de l’organe intérieur a beau être suposée la même, celle de l’organe extérieur manquant, ce défaut seul suffit pour distinguer le souvenir de la sensation. D’ailleurs, il n’est pas vrai que la situation de l’organe intérieur soit la même, dans la mémoire & dans la sensation ; autrement il seroit impossible de distinguer le souvenir de la sensation d’avec la sensation. Aussi l’auteur se sauve-t-il par un A-PEU-PRÈS ; mais une situation d’organes, qui n’est qu’à-peu-près la même, ne doit pas produire exactement le même effet.

Il est donc évident, dit Helvétius, que " se ressouvenir soit sentir.” Il y a cette différence, répond Rousseau, que la mémoire produit une sensation semblable & non pas le sentiment, & cette autre différence encore, que la cause n’est pas la même.

L’auteur ayant posé son principe se croit en droit de conclure ainsi : " je dis encore que c’est dans la capacité que nous avons d’appercevoir les ressemblances ou les différences, les convenances ou les disconvenances qu’ont entr’eux les objets divers, que consistent toutes les opérations de l’esprit. Or, cette capacité n’est que la sensibilité physique même : tout se réduit donc à sentir.” Voici qui est plaisant, s’écrie son adversaire ! après avoir légèrement