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que l’homme qui médite est un animal dépravé. Disc. pag. 22.

Je l’ai insinué en commençant cette lettre ; mon dessein n’est point de prouver à M. Rousseau par des argumens, qu’assez d’autres seront sans moi, & qu’il seroit peut être mieux que l’on ne fit point, la supériorité de l’état de citoyen sur l’état l’d’homme sauvage ; qui eût jamais imaginé que cela seroit mis en question ! Mon but est uniquement d’essayer de faire sentir à notre Auteur combien ses plaintes continuelles sont superflues & déplacées : & combien il est évident que la société entroit dans la destination de notre être.

J’ai parlé à M. Rousseau avec toute la franchise que la relation de compatriote autorise. J’ai une si grande idée des qualités de son cœur, que je n’ai pas songé un instant qu’il pût ne pas prendre en bonne part ces réflexions. L’amour seul de la vérité me les a dictées. Si pourtant en les faisant, il m’étoit échappé quelque chose qui pût déplaire à M. Rousseau, je le prie de me le pardonner & d’être persuadé de la pureté de mes intentions.

Je ne dis plus qu’un mot ; c’est sur la pitié, cette vertu si célébrée par notre Auteur, & qui fut, selon lui, le plus bel appanage de l’homme dans l’enfance du monde. Je prie M. Rousseau de vouloir bien réfléchir sur les questions suivantes.

Un homme ou tout autre être sensible qui n’auroit jamais connu la douleur, auroit-il de la pitié, & seroit-il ému à la vue d’un enfant qu’on égorgeroit ?