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les fossiles, les minéraux, les coquillages, cultiver les plantes, apprivoiser les oiseaux : & que n’apprivoiseriez-vous pas. Je connois un animal un peu sauvage qui vivroit avec grand plaisir dans votre ménagerie, en attendant l’honneur d’être admis un jour en momie dans votre cabinet.

J’aurois bien les mêmes goûts si j’étois en état de les satisfaire ; mais un solitaire & un commençant de mon âge, doit retrécir beaucoup l’univers s’il veut le connoître ; & moi qu me perds comme un insecte parmi les herbes d’un pré, je n’a garde d’aller escalader les palmiers de l’Afrique ni les cedres du Liban. Le tems presse, & loin d’aspirer à savoir un jour la botanique, j’ose à peine espérer d’herboriser aussi bien que le moutons qui passent sous ma fenêtre, & de savoir comme eux trier mon soin.

J’avoue pourtant, comme les hommes ne sont gueres conséquens, & que les tentations viennent par la facilité d’y succomber, que le jardin de mon excellent voisin M. de Granville m’a donné le projet ambitieux d’en connoître les richesses mais voilà précisément ce qui prouve que ne sachant rien, je ne suis fait pour rien apprendre. Je vois les plantes, il me le nomme, je les oublie ; je les revois, il me les renomme, je les oublie encore ; & il ne résulte de tout cela que l’épreuve que nous faisons sans cesse, moi de sa complaisance, & lu de mon incapacité. Ainsi du côté de la botanique, peu d’avantage ; mais un très-grand pour le bonheur de la vie dans celui de cultiver la société d’un voisin bienfaisant, obligeant, aima blé, & pour dire encore plus, s’il est possible, à qui je dois l’honneur d’être conçu de vous.