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en ravissant à Dieu son culte & ses adorateurs, par les attraits séduisans de la volupté. Tous les vices eurent alors des autels,& l’encens que l’on refusoit au souverain Maître fut prodigué à ces monstres impurs. Qu’y a-t-il en cela qu’on puisse imputer aux Lettres ? Loin de les accuser d’avoir donne naissance au crime, on peut dire que ce tyran leur déclare dès leur berceau la plus cruelle guerre. À peine sorties de l’enfance elles ne savent où fuir. Ici on leur tend des piéges, là on tâche de les exterminer à forcé ouverte.

L’Egypte leur offre un asyle. Mais qu’arrive-t-il ? On leur fait la réception la plus honorable dans la vue de les séduire. On les érige en Déesses malgré elles. Pour les empêcher de publier les louanges du vrai Dieu & de venger l’injure faite à son saint Nom, on les retient captives au fond des temples, où on les lie avec des chaînes d’or, ornées de fleurs & de pierreries. Elles ne rendent des oracles que par la bouche des Mages : leurs préceptes qui ne devroient servir qu’à l’instruction deviennent un langage énigmatique. Cette dure servitude ne les empêche pas néanmoins de faire quelquefois briller la vérité à travers une infinité de fables & de mensonges, dont de perfides interpretes ont soin de la voiler. L’Univers étonné reconnoît qu’il doit à l’Egypte, cette mere seconde du Paganisme & de la superstition, les Loix les plus utile & les plus sages.

Parmi les Hébreux, les Lettres n’ont point été par de semblables artifices, mais elles ont essuyé de leur part bien d’autres indignités. À l’ombre de la protection divine elles ont long-tems joui de la liberté : mais combien de fois