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enhardie par toutes les passions, se présente sous toute les formes, afin de se proportionner, en quelque sorte, à tous les âges, à tous les caracteres, à tous les états. Tantôt, pour s’insinuer dans des esprits qu’elle trouvé, déjà ensorcelés par la bagatelle,*

[*Fascinatio nugacitatis obscurat bona Sap. C. 4. v. 12.] elle emprunte un style léger, agréable & frivole : de-là tant de romans également obscenes & impies, dont le but est d’amuser l’imagination, pour séduire l’esprit & corrompre le cœur. Tantôt, affectant un air de profondeur & de sublimité dans ses vues, elle feint de remonter aux premiers principes de nos connoissances, & prétend s’en autoriser, pour secouer un joug qui, selon elle, déshonore l’humanité, la Divinité même. Tantôt elle déclame en furieuse contre le zele de la Religion, & prêche la tolérance universelle avec emportement. Tantôt enfin, réunissant tous ces divers langages, elle mêle le sérieux à l’enjouement, des maximes pures à des obscénités, de grandes vérités à de grandes erreurs, la foi au blasphême ; elle entreprend, en un mot, d’accorder la lumiere avec les ténebres, Jésus -Christ avec Bélial. Et tel est spécialement, M. T. C. F. l’objet qu’on paroît s’être proposé dans un ouvrage récent, qui a pour titre : EMILE ou DE L’EDUCATION. Du sein de l’erreur il s’est élevé un homme plein du langage de la philosophie, sans être véritablement philosophe : esprit doué d’une multitude de connoissances qui ne l’ont pas éclairé, & qui ont répandu des ténebres dans les autres esprits : caractere livré aux paradoxes d’opinions & de conduite ; alliant la simplicité des mœurs avec