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moins & s’exposent davantage ? Qu’ils vainquent ou qu’ils soient vaincus, ils ne peuvent que gagner s’ils survivent à leurs défaites. Mais ce que l’espérance d’un vil intérêt, ou plutôt ce qu’un désespoir brutal inspire à ces hommes sanguinaires, les sentimens, le devoir l’excitent dans ces ames généreuses qui se dévouent à la Patrie ; avec cette différence que n’a pu observer l’Auteur, que la valeur de ceux-ci, plus froide, plus réfléchie, plus modérée, plus savamment conduite, est par-là même toujours plus sure du succès.

Mais enfin Socrate, le fameux Socrate s’est lui-même récrié contre les Sciences de sort tems. Faut-il s’en étonner ? L’orgueil indomptable des Stoïciens, la mollesse efféminée des Epicuriens, les raisonnemens absurdes des Pyrrhoniens, le goût de la dispute, de vaines subtilités, des erreurs nombre, des vices monstrueux infectoient pour lors la Philosophie, & déshonoroient les Philosophes. C’étoit l’abus des Sciences, non les Sciences elles-mêmes, que condamnoit ce grand homme, & nous le condamnons après lui. Mais l’abus qu’on fait d’une chose suppose le bon usage qu’on en peut faire. De quoi n’abuse-t-on pas ? Et parce qu’un Auteur anonyme, par exemple, pour défendre une mauvaise cause, aura abusé une fois de la fécondité de ton esprit & de la légéreté de sa plume, faudra-t-il lui en interdire l’usage en d’autres occasions, & pour d’autres sujets plus dignes de son génie ? Pour corriger quelques excès d’intempérance, faut-il arracher toutes les vignes ? L’ivresse de l’esprit a précipité quelques savans dans d’étranges égaremens : j’en conviens, j’en gémis. Par les discours de quelques-uns, dans les écrits