Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/216

Cette page n’a pas encore été corrigée

artistes le luxe & la mollesse, sources ordinaires des plus étranges révolutions.

Mais l’Egypte, la Grece, la république de Rome, l’empire de la Chine, qu’il ose appeller en témoignage en faveur de l’ignorance, au mépris des Sciences & au préjudice des mœurs, auroient dû rappeller à son souvenir ces Législateurs fameux, qui ont éclairé par l’étendue de leurs lumieres, & réglé par la sagesse de leurs loix, ces grands états dont ils avoient posé les premiers fondemens : ces Orateurs célebres qui les ont soutenus sur le penchant de leur ruine, par la forcé victorieuse de leur sublime éloquence : ces Philosophes, ces Sages, qui par leurs doctes écrits, & leurs vertus morales, ont illustré leur Patrie, & immortalisé leur nom.

Quelle foule d’exemples éclatans ne pourrois-je pas opposer au petit nombre d’Auteurs hardis qu’il a cités ! Je n’aurois qu’à ouvrir les annales du monde. Par combien de témoignages incontestables, d’augustes monumens, d’ouvrages immortels, l’histoire n’atteste-t-elle pas que les Sciences ont contribué par-tout au bonheur des hommes, à la gloire des Empires, au triomphe de la vertu ?

Non, ce n’est pas des Sciences, c’est du sein des richesses que sont nés de tout tems la mollesse & le luxe ; & dans aucun tems les richesses n’ont été l’appanage ordinaire des savans. Pour un Platon dans l’opulence, un Aristippe accrédite à la Cour, combien de Philosophes réduits au manteau & à la beface, enveloppés dans leur propre vertu & ignorés dans leur solitude ! combien d’Homeres & de Diogenes, d’Epictetes & d’Esopes dans l’indigence ! Les savans