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ton troupeau rassasié & fatigué des pâturages où tu l’as promené tout le jour ; je te connois capable des plus vastes réflexions ; peux-tu ne pas lever les yeux sur ces astres brillans dont le Ciel est paré dans cette belle nuit ? Reconnois-les, observe leurs cours, tires-en les moyens de connoître les régions de la terre, le plan de l’univers, & de déterminer l’année, ses saisons. Tu deviendras l’admiration des autres hommes, & l’objet de leurs hommages & de leurs tributs. Que fais-tu paresseux, dit-elle à un quatrieme ? tu es ingénieux, & tu passes les journées entieres dans l’oisiveté & la rêverie. Prends-moi ce roseau, vuides-en la moelle, perces-y des trous, souffle contre le premier, & remue avec art les doigts sur les autres, tu vas produire des sons qui feront accourir autour de toi tous les humains de la contrée ; ravis de t’entendre, ils t’estimeront par-dessus les autres, & il n’y a point de présens qu’ils ne te fassent pour t’engager à leur procurer ce plaisir. Vois-tu, dit-elle à un cinquieme, ce que viennent de faire tes voisins pour le bien général de l’habitation ? Quelle émulation, & quelle estime réciproque a mis parmi eux le génie inventif ? Quelle union résulte des services mutuels qu’ils se rendent, ou des plaisirs qu’ils se sont par-là ? Quelle sureté produit dans cette union cette estime, cette amitié réciproque, & l’équité dont se piquent la plupart de ses membres ? Toi qui sens mieux qu’un autre, l’utilité & le bonheur d’un pareil état, & qui es un des plus sages & des plus éloquens de l’habitation, persuade-leur à tous de se faire une loi de vivre toujours, comme le sont les meilleurs d’entr’eux, de punir ceux qui