Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/103

Cette page n’a pas encore été corrigée

parle la nature ; ainsi a-t-elle conduit les premiers hommes ; ainsi a-t-elle produit ces siecles d’horreurs que nous avons ci-devant parcourus.

Qu’a fait la culture des Sciences & des Arts ? Qu’a fait la nature perfectionnée par la réflexion ? Qu’a fait la raison enfin pour sauver à la nature humaine toute brute, le déshonneur où elle se plongeoit ? Ecoute, a-t-elle dit à cet individu, tu veux enlever à ton voisin un bien qui est à lui ; mais que penserois-tu, s’il te ravissoit le tien ? Pourquoi te

crois-tu autorisé à faire contre lui ce que tu serois bien fâché qu’il fît contre toi ? Et qui t’a dit que sont autre voisin ne se joindra point à lui pour te punir de ta violence ? Réprime donc un desir injuste, & qui peut avoir des suites funestes pour toi-même. Ne desire que ce qui t’appartient, ou que tu peux obtenir légitimement. Tu es adroit & vigoureux, employe tes talens à te défendre & non à attaquer : employe-les à défendre tes voisins : ils t’aimeront ; ils te regarderont comme leur protecteur, leur chef ; & tu auras d’eux, par cette voie généreuse, & leur amitié & tout ce que tu n’aurois pu leur ravir qu’avec injustice, & en essuyant des dangers. Réponds-moi, dit-elle, à un second ; toi qui joins au génie un caractere laborieux, je t’ai vu construire ta cabane avec plus d’adresse & plus d’art qu’aucun autre ; que n’en fais-tu une pareille, ou une plus belle même à ton voisin, qui n’a pas l’adresse de s’en construire une ? Il est meilleur chasseur que toi, il fournira abondamment à des besoins que tu as peine à satisfaire, & il te payera encore de sa reconnoissance & de son amitié. Tu dors, dit-elle à un troisieme, & tu imites