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LETTRE À M. D.

Motiers-Travers le 8 Août 1765.

Non, Monsieur, jamais, quoique l’on en dite, je ne me repentirai d’avoir loué M. de Montmollin. J’ai loué de lui ce que j’en connoissois, sa conduite vraiment pastorale envers moi. Je n’ai point loué son caractere que je ne connoissois pas ; je n’ai point loué sa véracité, sa droiture. J’avouerai même que son extérieur qui ne lui est pas favorable, son ton, son air, son regard sinistre me repoussoient malgré moi : j’étois étonné de voir tant de douceur, d’humanité, de vertus se cacher sous une aussi sombre physionomie. Mais j’étouffois ce penchant injuste ; falloit-il juger d’un homme sur des lignes trompeurs que sa conduite démentoit si bien ? falloit-il épier malignement le

principe secret d’une tolérance peu attendue ? Je hais cet art cruel d’empoisonner les bonnes actions d’autrui, & mon cœur ne sait point trouver de mauvais motifs à. ce qui est bien. Plus je sentois en moi d’éloignement pour M. de M. plus je cherchois à le combattre par la reconnoissance que je lui devois. Supposons derechef possible le même cas, & tout ce que j’ai fait je le referois encore.

Aujourd’hui. M. de M. leve le marque & se montre vraiment tel qu’il est. Sa conduite présente explique la précédente. Il est clair que sa prétendue tolérance qui le quitte au moment qu’elle eût été le plus juste, vient de la même source que ce