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reste, je vous dirai que je sens en moi, depuis quelques jours, une révolution qui m’étonne. Ces derniers événemens qui devoient achever de m’accabler, m’ont, je ne sais comment rendu tranquille, & même assez gai. Il me semble que je donnois trop d’importance à des jeux d’enfans. Il y a dans toutes ces brûleries quelque chose de si mais & de si bête qu’il faut être plus enfant qu’eux pour s’en émouvoir. Ma vie morale est finie. Est-ce la peine de tant choisir la terre où je dois laisser mon corps ? La partie la plus précieuse de moi-même est déjà morte : les hommes n’y peuvent plus rien, & je ne regarde plus tous ces tas de Magistrats si barbares, que comme autant de vers qui s’amusent à ronger mon cadavre.

La machine ambulante se montera donc cet été pour aller herboriser ; & si l’amitié peut la réchauffer encore, vous serez le Prométhée qui me rapportera le feu du ciel. Bonjour Monsieur.

LETTRE AU LORD MARÉCHAL D’ÉCOSSE.

Motiers le 11 Février 1765.

Vous savez, Mylord, une partie de ce qui m’arrive. La brûlerie de la Haye, la défense de Berne, ce qui se prépare à Geneve ; mais vous ne pouvez savoir tout. Des malheurs si constans, une animosité si universelle commençoient à m’accabler tout-à-fait. Quoique les mauvaises nouvelles se multiplient