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LETTRE AU MÊME.

Motiers le 15 Octobre 1764.

Je ne sais, Monsieur, pourquoi votre lettre du 3 ne m’est parvenue que hier. Ce retard me force, pour profiter du courier, de vous répondre à la hâte, sans quoi ma lettre n’arriveroit pas à Aix assez tôt pour vous y trouver.

Je ne puis gueres espérer d’être en état d’aller en Corse. Quand je pourrois entreprendre ce voyage, ce ne seroit que dans la belle saison ; d’ici là le tems est précieux, il faut l’épargner tant qu’il est possible, & il sera perdu jusqu’à ce que j’aye reçu vos instructions. Je joins ici une note rapide des premieres dont j’ai besoin ; les vôtres me seront toujours nécessaires dans cette entreprise. Il ne faut point là-dessus me parler, Monsieur, de votre insuffisance. À juger de vous par vos lettres, je dois plus me fier à vos yeux qu’aux miens ; & à juger par vous de votre peuple, il a tort de chercher ses guides hors de chez lui.

Il s’agit d’un si grand objet que ma témérité me fait trembler ; y joignons pas du moins l’étourderie, j’ai l’esprit très-lent ; l’âge & les maux le ralentissent encore ; un gouvernement provisionnel a ses inconvéniens. Quelque attention qu’on ait à ne faire que les changemens nécessaires, un établissement tel que celui que nous cherchons, ne se fait point sans un peu de commotion, & l’on doit tâcher au moins de n’en avoir