Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.




LETTRE

À MADEMOISELLE G.

En lui envoyant un lacet.


14 Mai 1764.


Ce présent, ma bonne amie, vous fut destiné du moment que j’eus le bien de vous connoître, & quoi qu’en pût dire votre modestie, j’étois sûr qu’il auroit dans peu son emploi. La récompense suit de près la bonne œuvre. Vous étiez cet hiver garde-malade, & ce printems Dieu vous donne un mari ; vous lui serez charitable, & Dieu vous donnera des enfans ; vous les éleverez en sage mere, & ils vous rendront heureuse un jour. D’avance vous devez l’être par les soins d’un époux aimable & aimé, qui saura vous rendre le bonheur qu’il attend de vous. Tout ce qui promet un bon choix m’est garant du vôtre ; des liens d’amitié formés dès l’enfance, éprouvés par le tems, fondés sur la connoissance des caracteres, l’union des cœurs que le mariage affermit, mais ne produit pas, l’accord des esprits où des deux parts la bonté domine ; & où la gaîté de l’un, la solidité de l’autre se tempérant mutuellement, rendront douce & chere à tous deux l’austere loi, qui fait succéder aux jeux de l’adolescence des soins plus graves, mais plus touchans. Sans parler d’autres convenances, voilà de bonnes raisons de compter pour toute la vie sur un bonheur commun dans l’état où vous entrez, & que vous honorerez par votre conduite. Voir vérifier un augure si bien fondé, sera, chere