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voulez à toute force exercer les grandes vertus, l’état de Prêtre vous les rendra souvent nécessaires. Mais si vous vous sentez les passions allez modérées, l’esprit assez doux, le cœur assez sain pour vous accommoder d’une vie égale, simple & laborieuse, allez dans vos terres, faites-les valoir, travaillez vous, même, soyez le pere de vos domestiques, l’ami de vos voisins juste & bon envers tout le monde : laissez-là vos rêveries métaphysiques ; & servez Dieu dans la simplicité de votre cœur : vous serez assez vertueux.

Je vous salue, Monsieur de tout mon cœur.

Au reste, je vous dispense, Monsieur, du secret qu’il vous plaît de m’offrir, je ne sais pourquoi. Je n’ai pas, ce me semble, dans ma conduite, l’air d’un homme fort mystérieux.

TROISIEME LETTRE AU MÊME.

Motiers le 4 Mars 1764.

J’ai parcouru, Monsieur, la longue lettre où vous m’exposez vos sentimens sur la nature de l’ame & sur l’existence de Dieu. Quoique j’eusse résolu de ne plus rien lire sur ces matieres, j’ai cru vous devoir une exception pour la peine que vous avez prise, & dont il ne m’est pas aisé de démêler le but. Si c’est d’établir entre nous un commerce de dispute, je ne saurois en cela vous complaire ; car je ne dispute jamais, persuadé que chaque homme a sa maniere de raisonner qui lui est propre en quelque chose, & qui n’est bonne en tout