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LETTRE À M****.

Motiers -Travers le 11 Septembre 1763.

Je ne sais, Monteur, si vous vous rappellerez un homme, autrefois connu de vous ; pour moi qui n’oublie point vos honnêtetés, je me suis rappellé avec plaisir vos traits dans ceux de M. votre fils, qui m’est venu voir il y a quelques jours. Le récit de ses malheurs m’a vivement touché ; la tendresse & le respect avec lesquels il m’a parlé de vous, ont achevé de m’intéresser pour lui. Ce qui lui rend ses maux plus aggravans est qu’ils lui viennent d’une main si chere. J’ignore, Monsieur, quelles sont ses fautes ; mais je vois son affliction ; je sais que vous êtes pere, & qu’un pere n’est pas fait pour être inexorable. Je crois vous donner un vrai témoignage d’attachement en vous conjurant de n’user plus envers lui d’une rigueur désespérante, & qui, le faisant errer de lieu en lieu sans ressource & sans asyle, n’honore ni le nom qu’il porte, ni le pere dont il le tient. Réfléchissez, Monsieur, quel serois son sort, si dans cet état, il avoit le malheur de vous perdre. Attendra-t-il des parent, des collatéraux, une commisération que son pere lui aura refusée ? & si vous y comptez, comment pouvez vous laisser à d’autres le soin d’être plus humains que vous envers votre fils ? Je ne sais point comment cette seule idée ne désarme pas votre bon cœur. D’ailleurs de quoi s’agit-il ici ? de faire révoquer une malheureuse lettre de cachet qui n’auroit jamais dû