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Voilà, Monsieur le Maréchal, de quoi vous former quelque idée du séjour que j’habite & auquel vous voulez bien prendre intérêt. Je dois l’aimer comme le seul lieu de la terre où la vérité lie soit pas un crime, ni l’amour du genre-humain une impiété. J’y trouve la sureté sous la protection de Mylord Maréchal & l’agrément dans son commerce. Les habitans du lieu m’y montrent de la bienveillance & ne me traitent point en proscrit. Comment pourrois-je n’être pas touché des bontés qu’on m’y témoigne, moi qui dois tenir à bienfait de la part des hommes tout le mal qu’ils ne me sont pas ? Accoutumé à porter depuis si long-tems les pesantes chaînes de la nécessité, je passerois ici sans regret le reste de ma vie, si j’y pouvois voir quelquefois ceux qui me la font encore aimer.

LETTRE À M. DAVID HUME.

Motiers-Travers le 19 Février 1763.

Je n’ai reçu qu’ici, Monsieur, & depuis peu, la lettre dont vous m’honoriez à Londres, le 2 Juillet dernier, supposant que j’étois dans cette Capitale. C’étoit sans doute dans votre nation, & le plus près de vous qu’il m’eût été possible, que j’aurois cherché ma retraite, si j’avois prévu l’accueil qui m’attendoit dans ma patrie. Il n’y avoit qu’elle que je pusse préférer à l’Angleterre, & cette prévention, dont j’ai été trop puni, m’étoit alors bien pardonnable ; mais, à mon grand étonnement, & même à celui du public, je n’ai trouvé que