Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/208

Cette page n’a pas encore été corrigée

de le trouver si différent de ce que je me l’étois figure sur vos récits, je le fus bien plus du peu d’éclat pour ne pas dire de la bêtise de ses entretiens : moi qui ayant eu à vivre avec des gens de lettres les ai toujours trouves brillans élances sentencieux comme des oracles, subjugant tout par leur docte seconde & par la hauteur de leurs décisions. Celui-ci ne disant gueres que des choses communes, & les disant sans précision, sans finesse, & sans force, paroît toujours fatigue de parler, même en parlant peu, soit de la peine d’entendre ; souvent même n’entendant point, si-tôt qu’on dit des choses un peu fines, & n’y répandant jamais à propos. Que s’il lui vient par hasard quelque mot heureusement trouve, il en est si aise, que pour avoir quelque chose à dire il le répété éternellement. On le prendroit dans la conversation, non pour un penseur plein d’idées vives & neuves, pensant avec force & s’exprimant avec justesse, mais pour un écolier embarrasse du choix de ses termes, & subjugué par la suffisance des gens qui en savent plus que lui. Je n’avois jamais vu ce maintien timide & gêne dans nos moindres barbouilleurs de brochure, comment le concevoir dans un auteur qui foulant aux pieds les opinions de son siecle sembloit en toute chose moins dispose recevoir la loi qu’à la faire ? S’il n’eut fait que dire des choses triviales & plates j’aurois pu croire qu’il faisoit l’imbécile pour dépayser les espions dont il se lent entoure ; mais quels que soyent les gens qui l’écoutent, loin d’user avec eux de la moindre précaution, il lâche étourdiment cent propos inconsidérés qui donnent sur lui de grandes prises, non qu’au fond ces propos soyent répréhensibles, mais parce qu’il