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course, & trouvant sur les arbres un refuge presque assuré, il a par-tout le prendre & le laisser dans la rencontre, & le choix de la fuite ou du combat. Ajoutons qu’il ne paroît pas qu’aucun animal fasse naturellement la guerre à l’homme, hors le cas de sa propre défense ou d’une extrême faim, ni témoigne contre lui de ces violentes antipathies qui semblent annoncer qu’une espece est destinée parla nature à servir de pâture à l’autre.

Voilà, sans doute les raisons pourquoi les Negres & les Sauvages se mettent si peu en peine des bêtes féroces qu’ils peuvent rencontrer dans les bois. Les CaraÏbes de Venezuela vivent entr’autres, à cet égard, dans la plus profonde sécurité & sans le moindre inconvénient. Quoiqu’ils soient presque nuds, dit François Corréal, ils ne laissent pas de s’exposer hardiment dans les bois, armés seulement de la fleche & de l’arc ; mais on n’a jamais oui dire qu’aucun d’eux ait été dévoré des bêtes.

D’autres ennemis plus redoutables, & dont l’homme n’a pas les mêmes moyens de se défendre, sont les infirmités naturelles, l’enfance, la vieillesse, & les maladies de toute espece ; tristes signes de notre foiblesse, dont les deux premiers sont communs à tous les animaux, & dont le dernier appartient principalement à l’homme vivant en société. J’observe même, au sujet de l’enfance, que la mere, portant partout son enfant avec elle, a beaucoup plus de facilité à le nourrir que n ont les femelles de plusieurs animaux, qui sont forcées d’aller & venir sans cesse avec beaucoup de fatigue, d’un côté pour chercher leur pâture, & de l’autre, pour allaiter