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les hommes libres comme il faut les regarder eux-mêmes, c’est-à-dire comme des hommes nuls, sur lesquels deux seuls instrumens ont prise, savoir l’argent & le knout. S’ils voient donc que la République de Pologne, au lieu de s’appliquer à remplir ses coffres, à grossir ses finances, à lever bien des troupes réglées, songe au contraire à licencier son armée & à se passer d’argent, ils croiront qu’elle travaille à s’affoiblir, & persuadés qu’ils n’auront, pour en faire la conquête qu’à s’y présenter quand ils voudront, ils la laisseront se régler tout à son aise, en se moquant en eux-mêmes de son travail. Et il faut convenir que l’état de liberté ôte à un peuple la force offensive, & qu’en suivant le plan que je propose on doit renoncer à tout espoir de conquête. Mais que, votre œuvre faite, dans vingt ans les Russes tentent de vous envahir, & ils connoîtront quels soldats sont pour la défense de leurs foyers ces hommes de paix qui ne savent pas attaquer ceux des autres, & qui ont oublié le prix de l’argent.

[W. mss. Trois paragraphes étouffé "Au reste, quand vous serez...à la tête du Gouvernement"]

Quant à la maniere d’entamer l’œuvre dont il s’agit, je ne puis goûter toutes les subtilités qu’on vous propose pour surprendre & tromper en quelque sorte la nation sur les changemens à faire à ses loix. Je serois d’avis seulement en montrant votre plan dans toute son étendue, de n’en point commencer brusquement l’exécution par remplir la République de mécontents, de laisser en place la plupart de ceux qui y sont, de ne conférer les emplois selon la nouvelle réforme qu’à mesure qu’ils viendroient à vaquer. N’ébranlez jamais trop brusquement la machine. Je ne doute point qu’un bon plan une fois adopté ne change même l’esprit de ceux qui