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Il en étoit de même des Ministres & grands Officiers. Tous indépendans, & du Sénat & les uns des autres, avoient dans leurs départemens respectifs une autorité sans bornes : mais outre que ces places se balançoient mutuellement, en ne se perpétuant pas dans les mêmes familles elles n’y portoient aucune force absolue, & tout le pouvoir, même usurpé, retournoit toujours à sa source. Il n’en eût pas été de même si toute la puissance exécutive eût été soit dans un seul Corps comme le Sénat, soit dans une famille par l’hérédité de la couronne. Cette famille ou ce Corps auroient probablement opprimé tôt ou tard la puissance législative, & par-là mis les Polonois sous le joug que portent toutes les nations, & dont eux seuls sont encore exempts ; car je ne compte déjà plus la Suede. Deuxieme leçon.

Voilà l’avantage. Il est grand sans doute ; mais voici l’inconvénient qui n’est guere moindre. La puissance exécutive partagée entre plusieurs individus manque d’harmonie entre ses parties, & cause un tiraillement continuel incompatible avec le bon ordre. Chaque dépositaire d’une partie de cette puissance se met en vertu de cette partie à tous égards au-dessus des magistrats & des loix. Il reconnoît à la vérité l’autorité de la Diete ; mais ne reconnoissant que celle-là, quand la Diete est dissoute il n’en reconnoît plus du tout ; il méprise les tribunaux & brave leurs jugemens. Ce sont autant de petits despotes qui, sans usurper précisément l’autorité souveraine, ne laissent pas d’opprimer en détail les citoyens, & donnent l’exemple funeste & trop suivi de violer sans scrupule & sans crainte les droits & la liberté des particuliers.