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prosperent par cela seul qu’ils sont petits, que tous les citoyens s’y connoissent mutuellement & s’entre-gardent, que les chefs peuvent voir par eux-mêmes le mal qui se fait, le bien qu’ils ont à faire, & que leurs ordres s’exécutent sous leurs yeux. Tous les grands peuples écrasés par leurs propres masses gémissent, ou comme vous dans l’anarchie, ou sous les oppresseurs subalternes qu’une gradation nécessaire force les Rois de leur donner. Il n’y a que Dieu qui puisse gouverner le monde, & il faudroit des facultés plus qu’humaines pour gouverner de grandes nations. Il est étonnant il est prodigieux que la vaste étendue de la Pologne n’ait pas déjà cent fois opéré la conversion du Gouvernement en despotisme, abâtardi les ames des Polonois & corrompu la masse de la nation. C’est un exemple unique dans l’histoire qu’après des siecles un pareil Etat n’en soit encore qu’à l’anarchie. La lenteur de ce progrès est due à des avantages inséparables des inconvéniens dont vous voulez vous délivrer. Ah ! je ne saurois trop le redire ; pensez-y bien avant de toucher à vos loix & sur-tout à celles qui vous firent ce que vous êtes. La première réforme dont vous auriez besoin seroit celle de votre étendue. Vos vastes provinces ne comporteront jamais la sévère administration des petites Républiques. Commencez par resserrer vos limites si vous voulez réformer votre Gouvernement. Peut-être vos voisins songent-ils à vous rendre ce service. Ce seroit sans doute un grand mal pour les parties démembrées ; mais ce seroit un grand bien pour le Corps de la nation.

Que si ces retranchemens n’ont pas lieu, je ne vois qu’un