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Aristote même, qui l’adopte en certains lieux de ses Politiques, juge à propos de la combattre en d’autres.

Je prie mes Lecteurs de bien distinguer encore l’économie publique, dont j’ai à parler & que j’appelle Gouvernement, de l’autorité suprême que j’appelle Souveraineté : distinction qui consiste en ce que l’une a le droit législatif, & oblige en certains cas le Corps même de la nation, tandis que l’autre n’a que la puissance exécutrice, & ne peut obliger que les particuliers. Voyez POLITIQUE & SOUVERAINTE.

Qu’on me permette d’employer pour un moment une comparaison commune & peu exacte à bien des égards, mais propre à me faire mieux entendre.

Le Corps politique, pris individuellement, peut être considéré comme un corps organisé, vivant, & semblables à celui de l’homme. Le pouvoir souverain représente la tête ; les loix & les coutumes sont le cerveau, principe des nerfs & siège de l’entendement, de la volonté, & des sens, dont les juges & magistrats sont les organes  ; le commerce, l’industrie, & l’agriculture, sont la bouche & l’estomac qui préparent la subsistance commune ; les finances publiques sont le sang qu’une sage économie, en faisant les fonctions du cœur, renvoie distribuer par tout le corps la nourriture & la vie ; les citoyens sont le corps & les membres qui font mouvoir, vivre, & travailler la machine, & qu’on ne sauroit blesser en aucune partie qu’aussi-tôt l’impression douloureuse ne s’en porte au cerveau, si l’animal est dans un état de santé.

La vie de l’un & de l’autre est le moi commun au tout, la sensibilité réciproque & la correspondance interne de toutes