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élection [1] ; moyen par lequel la probité, les lumieres, l’expérience, & toutes les autres raisons de préférence & d’estime publique, sont autant de nouveaux garants qu’on sera sagement gouverné.

De plus, les assemblées se font plus comodément, les affaires se discutent mieux s’expédient avec plus d’ordre & de diligence, le crédit de l’État est mieux soutenu chez l’étranger par de vénérables sénateurs que par une multitude inconnue ou méprisée.

En un mot, c’est l’ordre le meilleur & le plus naturel que les plus sages gouvernent la multitude, quand on est sûr qu’ils la gouverneront pour son profit & non pour le leur ; il ne faut point multiplier en vain les ressorts, ni faire avec vingt mille hommes ce que cent hommes choisis peuvent encore mieux. Mais il faut remarquer que l’intérêt de corps commence à moins diriger ici la force publique — sur la regle de la volonté générale, & qu’une autre pente inévitable enlêve aux loix une partie de la puissance exécutive.

À l’égard des convenances particulieres, il ne faut ni un État si petit ni un peuple si simple & si droit que l’exécution des loix suive immédiatement de la volonté publique, comme dans une bonne Démocratie. Il ne faut pas non plus une si grande nation que les chefs épars pour la gouverner

  1. (t) Il importe beaucoup de regler par des loix la forme de l’élection des magistrats : car en l’abandonnant à la volonté du Prince on ne peut éviter de tomber dans l’Aristocratie héréditaire, comme il est arrivé aux Républiques de Venise & de Berne. Aussi la premiere est-elle depuis longtemps un État dissout, mais la seconde se maintient par l’extrême sagesse de son Sénat ; c’est une exception bien honorable & bien dangereuse.