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excepter l’homme, sont naturellement paresseux, & qu’ils se refusent à toutes sortes de soins qui ne sont pas d’une absolue nécessite. Enfin il paroît fort étrange que les Pongos dont on vante l’adresse & la force, les Pongos qui savent enterrer leurs morts & se faire des toîts de branchages, ne sachent pas pousser des tisons dans le feu. Je me souviens d’avoir vu un singe faire cette même manœuvre qu’on ne veut pas que les Pongos puissent faire ; il est vrai que, mes idées n’étant pas alors tournées de ce côté, je fis moi-même la faute que je reproche à nos voyageurs, je négligeai d’examiner si l’intention du singe étoit en effet d’entretenir le feu, ou simplement, comme je crois, d’imiter l’action d’un homme. Quoi qu’il en soit, il est bien démontré que le singe n’est pas une variété de l’homme ; non-seulement parce qu’il est privé de la faculté de parler, mais surtout parce qu’on est sûr que son espece n’a point celle de se perfectionner, qui est le caractere spécifique de l’espece humaine. Expériences qui ne paroissent pas avoir été faites sur le Pongos & l’Orang-Outang avec assez de soin pour en pouvoir tirer la même conclusion. Il y auroit pourtant un moyen par lequel, si l’Orang-Outang ou d’autres étoient de l’espece humaine, les observateurs les plus grossiers pourroient s’en assurer même avec démonstration ; mais outre qu’une seule génération lie suffiroit pas pour cette expérience, elle doit passer pour impraticable, parce qu’il faudroit que ce qui n’est qu’une supposition fût démontré vrai, avant que l’épreuve qui devroit constater le fait pût être tentée innocemment.

Les jugemens précipités, & qui ne sont point le fruit d’une raison éclairée, sont sujets à donner dans l’exces. Nos voyageurs font sans façon des bêtes, sous les noms de Pongos, de Mandrills, d’Orangs-Outangs, de ces mêmes êtres dont, sous les noms de