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LE GRAND SILENCE BLANC

tout, à la condition de ne point abaisser son âme aux promiscuités environnantes.

Je regarde mon hôte d’un air effaré, mais il poursuit sans prendre garde :


Ἐσθλῶν μὲν γὰρ ἄπ’ ἐσθλὰ διδάξει’ αᾒν δὲ κακοῖσιν
συμμίσγῃς ἀπολεῖς καὶ τὸν ἐόντα νόον.


Ce sont deux vers de Théognis, que Xénophon et Platon placent dans la bouche de Socrate. Xénophon dans les Entretiens mémorables et Platon dans le Banquet et le Ménon.

Mon effarement a fait place à la stupéfaction, je dois avoir les yeux ronds et la bouche ouverte. César daigne m’expliquer :

— Avec les sages, tu apprendras la sagesse ; si tu te mêles aux méchants, tu perdras ce qu’il y a de bon en toi.

Puis il ajoute avec condescendance :

— C’est du grec.

— Du grec !

— Oui, du grec, cela vous étonne ?

— J’avoue… vous me pardonnerez, dans ce pays…

Je bafouille et m’emberlificote en des phrases que je commence sans pouvoir les finir. César Escouffiat me prend en pitié et, plein de suffisance, il savoure son triomphe.

— Enfant ! fait-il avec un accent inénarrable.

Ce mot dans sa bouche prend une signification