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Rateau, satisfait de lui, rentra dans sa forêt. À peine avait-il fait quelques pas qu’il s’arrêta soudain, flairant un second envahissement.

Des maraudeurs, en effet, des bohémiens qui, depuis quelques jours, inquiétaient les habitants de la Chute-aux-Iroquois, venus pour faire une razzia de volailles, s’acheminaient vers la ferme.

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Ce fut une lutte terrible !

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Rateau, seul contre cinq hommes déterminés, batailla comme un héros. Ses adversaires tremblaient au fond d’eux-mêmes. Ils n’avaient pas compté sur un si formidable gardien : ils avaient beau tailler, charcuter et meurtrir ce pauvre corps de chien, à coups de trique et à coups de couteau, le fidèle animal, hurlant, baveux, se jetait sur eux, les déchiquetait, leur arrachait de la viande à pleine gueule, n’en lâchait un que pour en saisir un autre, dépiautant sans merci les tibias, les côtes, les bras et les visages.

Battus, vaincus, les misérables se sauvèrent honteusement, suivis de près par Rateau, enroué à force de hurler.

Épuisée, la pauvre bête les laissa à l’orée de la forêt, comme l’autre.

Le chien s’accroupit dans la neige. Haletant, il dressait sa tête et fixait son regard dans la direction qu’avait prise les hommes. Sûr, au bout d’un instant, qu’ils étaient bien partis, il se laissa tomber et râla doucement.

La seconde lutte l’avait épuisé. Tout son maigre corps n’était qu’une plaie sanglante par où s’échappait sa vie. Il pleurait, non parce qu’il sentait la mort venir, mais parce que sa pensée de