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— Ai ! — Elles ont le nombre et moi j’ai le tabac !
(On l’entend souffler très fort.)
En soufflant la fumée à flots…

FANNY, riant.

En soufflant la fumée à flots…Tu les canonnes !

FLAMBEAU, dont la voix se rapproche.

Puis-je lever ma pierre une seconde ?

LE DUC, après avoir regardé si personne ne passe.

Puis-je lever ma pierre une seconde ?Oui !

(Alors un des côtés de la pierre se soulève lentement, entraînant ses tremblantes attaches de lierre, laissant pendre des cheveux d’herbe, et, de l’ombre humide du trou de Robinson, on voit sortir à demi un Flambeau mystérieux et cocasse, l’uniforme verdi, les moustaches pleines de brindilles, le nez terreux, l’œil gai.)

FLAMBEAU, tout en soulevant la pierre, entonnant d’une voix sépulcrale le grand air du dernier succès de l’Opéra.

Puis-je lever ma pierre une seconde ?Oui !Nonnes !…

LE DUC ET FANNY, précipitamment.

Chut !

FLAMBEAU, s’accoudant au bord moussu du petit souterrain.

Chut !J’ai l’air de me mettre au balcon du tombeau !

LE DUC.

Fanny m’a tout conté. C’est pour ce soir, Flambeau.

FLAMBEAU.

Bon ! — Craignez Metternich, seulement ! L’œil du maître !

LE DUC.

Il a quitté le bal.

FLAMBEAU, vivement.

Il a quitté le bal.Mais pour me reconnaître
Il n’y a plus personne, alors !

FANNY.

Il n’y a plus personne, alors !Tout ira bien.

FLAMBEAU.

Metternich est parti ?… Vous ne me dites rien ?

LE DUC.

Mais…

FLAMBEAU.

Mais…Et vous me laissez, à l’ombre de cette urne,
Prendre un torticolis dans ma petite turne ?