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BOMBELLES.

Très épris ?C’est de lui que vous parlez encore ?Oui.

LE DUC, d’une voix étranglée.

Bombelles !… ma mère !…

BOMBELLES.

Bombelles !… ma mère !…Il vous aimait ?

MARIE-LOUISE, s’asseyant. Bombelles reste debout, un genou sur le banc.

Bombelles !… ma mère !…Il vous aimait ?J’ignore.
Mais je sentais très bien que je l’intimidais.
Même sur son estrade aux lauriers d’or pour dais,
Il se sentait moins haut que moi par la naissance ;
Alors, il m’appelait, pour prendre un air d’aisance
« Bonne Louise ! »… Eh ! mon Dieu ! oui !… C’était d’un goût !
— J’aime le sentiment !… Je suis femme, après tout !

BOMBELLES.

Avant tout !

MARIE-LOUISE.

Avant tout !C’est mon droit !
Avant tout !C’est mon droit !(D’un petit ton sec et léger.)
Avant tout !C’est mon droit !On s’est mis en colère
Pour un mot que j’ai dit quand ce bon Saint-Aulaire
M’annonça le désastre, à Blois. J’étais au lit ;
Mon pied nu dépassait et, sur le bois poli,
Posé comme ces pieds que cisèle Thomire,
Du meuble Médicis faisait un meuble Empire.
Soudain, voyant glisser les yeux de l’envoyé,
Je souris et je dis : « Vous regardez mon pied ? »
— Et malgré les malheurs de sa patrie, en somme,
C’est parfaitement vrai qu’il regardait, cet homme ! —
Je fus coquette ?… eh bien ! le grand crime ! Mon Dieu,
Que voulez-vous ? c’est vrai, je restais femme un peu,
Et dans l’écroulement trop prévu de la France,
La beauté de mon pied gardait son importance !