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THÉRÈSE.

Mon frère, vous avez des mots…

TIBURCE, avec un petit salut sec.

Mon frère, vous avez des mots…Avertisseurs.

(Il s’éloigne. Thérèse le suit des yeux, puis, haussant les épaules, se joint à un groupe qui passe.)
UN OURS, entrant avec une Chinoise à son bras.

À quoi donc voyez-vous que je suis diplomate ?

LA CHINOISE.

Mais à votre façon d’arrondir votre patte !

L’OURS, tendrement.

Lorsque vous m’aimerez…

LA CHINOISE, lui donnant un coup d’éventail sur la patte.

Lorsque vous m’aimerez…Vous vendez votre peau !

(À ce moment passe une énorme personne déguisée en petite bergère Louis XV.)
TOUTES LES FEMMES, qui sont autour de Gentz.

Oh !

GENTZ, avec effroi.

Oh !Mais cette bergère a mangé son troupeau !

LE POLICHINELLE, traversant la scène en courant et saisissant la grosse bergère par la taille.

Votre oreille ?

LA GROSSE BERGÈRE, se débattant.

Votre oreille ?Pourquoi ?

LE POLICHINELLE, mystérieusement.

Votre oreille ?Pourquoi ?Mon secret !

(Il l’embrasse et se sauve. On entend sa voix, plus loin, dans les arbres, qui demande à une autre :)

Votre oreille ?Pourquoi ?Mon secret !Votre oreille ?

(Gentz et son groupe suivent le Polichinelle, très intéressés. Depuis un instant, le Duc est entré avec Prokesch. Prokesch est en habit et domino. Le Duc s’enveloppe d’un grand manteau violet. Quand le manteau s’ouvre, on le voit en uniforme blanc. Tenue de bal : bas de soie blanche et escarpins. Il tient à la main son masque, dont il s’évente nerveusement. Il s’appuie sur Prokesch qui le regarde avec inquiétude. Il a la figure défaite, le geste découragé, un pli mauvais à la lèvre. On sent que l’Aiglon traîne des ailes meurtries.)