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Quel service !… Oh ! oh ! oh ! s’il y met sa lorgnette,
Je crois qu’il y aura d’l’oignon, d’l’oignon, d’l’oignette !

METTERNICH, hors de lui, et voulant passer pour atteindre la poignée dorée d’une sonnette, au mur.

Je vais…

FLAMBEAU, s’interposant, terrible.

Je vais…Ne bougez pas ! Vous le réveilleriez !
(Avec attendrissement.)
Il dort sur son petit traversin de lauriers !

METTERNICH, tombant assis dans un fauteuil, près de la table.

Ah ! je raconterai ce rêve !… Il est épique !
(Il approche un doigt de la flamme d’une des bougies, et le retirant vivement.)
Mais cette flamme…

FLAMBEAU.

Mais cette flamme…Brûle !

METTERNICH, tâtant la pointe de la baïonnette que Flambeau ne cesse de lui présenter.

Mais cette flamme…Brûle !Et cette pointe…

FLAMBEAU.

Mais cette flamme…Brûle !Et cette pointe…Pique !

METTERNICH, se relevant d’un bond.

Mais je suis réveillé !… Mais je…

FLAMBEAU.

Mais je suis réveillé !… Mais je…Chut ! restez coi !

METTERNICH, avec, une seconde, l’angoisse d’un homme qui se demande s’il a rêvé quinze ans d’histoire.

Mais Sainte-Hélene, alors ?… Waterloo ?…

FLAMBEAU, tombant sincèrement des nues.

Mais Sainte-Hélene, alors ?… Waterloo ?…Water… quoi ?
(On entend bouger dans la chambre du duc.)
L’Empereur a bougé !

METTERNICH.

L’Empereur a bougé !Lui !

FLAMBEAU.

L’Empereur a bougé !Lui !Saperlipopette !
Vous devenez plus blanc qu’un cheval de trompette !