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LE DUC, tressaillant.

Ah ! tu crois ?

MARMONT.

Ah ! tu crois ?Maladroit, de lui dire ce mot !

FLAMBEAU.

Quand le prince est Français, c’est un demi-défaut !

LE DUC, anxieusement.

Mais… me sent-on Français dans ce palais d’Autriche ?

FLAMBEAU.

Oh ! oui !
Oh ! oui !(Regardant autour de lui.)
Oh ! oui !Vous n’allez pas ici. C’est lourd ! C’est riche !

MARMONT.

Comment, tu vois ça, toi ?

FLAMBEAU.

Comment, tu vois ça, toi ? Mon frère est tapissier,
Et travaille, à Paris, pour Fontaine et Percier.
Ça veut nous imiter. Mais ils vous ont, tonnerre !
Un Louis-Quinze, ici, — qui n’est pas ordinaire !
Je ne suis pas un grand connaisseur, mais j’ai l’œil !
(Il saisit un fauteuil que sa large main enlève comme une plume, et désignant le lourd bois doré, d’un goût allemand.)
Est-ce assez siroté, le bois de ce fauteuil !
(Il le repose, et montrant la tapisserie montée dans ce bois.)
Mais la tapisserie !… hein ? ce goût !… ce mystère !…
Ça chante !… ça sourit !… ça fiche tout par terre !
Pourquoi ? Vous le savez : ce sont des Gobelins !
Et comme on voit que ça, c’est fait par des malins !
Ça jure, là-dedans, ce goût, cette élégance !…
— Vous aussi, Monseigneur, on vous a fait en France.

MARMONT, au duc.

Il faut y retourner !

FLAMBEAU.

Il faut y retourner ! Et sur la croix d’honneur
Venir faire remettre un petit empereur !

LE DUC.

Mais qui donc ont-ils mis à sa place ?