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l’Est, dans un territoire où la rareté des ferromagnétaux rendait leur destruction facile. Les constructions, le défrichement, le captage des eaux se firent en six mois. La première récolte fut belle, la seconde merveilleuse.

Malgré la mort successive des autres communautés, les hommes de l’Oasis Rouge vivaient dans une sorte d’espérance. N’étaient-ils pas la peuplade élue, celle en faveur de qui, pour la première fois depuis cent siècles, la loi implacable avait fléchi ? Targ entretenait cet état des âmes. Son influence était grande ; il avait l’attrait des créatures triomphantes et leur prestige symbolique.

Cependant, sa victoire n’avait impressionné personne autant que lui-même. Il y voyait une obscure récompense et, plus encore, une confirmation de sa foi. Son esprit d’aventure s’épanouissait ; il eut des aspirations presque comparables à celles des ancêtres héroïques. Et l’amour qu’il ressentait pour Érê et les deux enfants nés d’elle se mêlait de rêves dont il n’osait parler à personne, hormis sa femme ou sa sœur, car il les savait incompréhensibles aux Derniers Hommes.

Manô ignorait ces fièvres. Sa vie restait directe. Il ne songeait guère au passé, moins encore à l’avenir. Il goûtait la douceur uniforme des jours ; il vivait auprès de sa femme, Arva, une existence aussi insoucieuse que celle des oiseaux argentés dont les groupes, chaque matin, planaient sur