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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

tude. C’était au mois d’août. Déjà les immenses crépuscules commençaient à décroître. Les astres venaient plus tôt et s’éteignaient plus tard. L’étoile Vesper, d’abord confondue avec le soleil, étincelait chaque jour davantage. Gredel la contemplait, descendant vers l’ouest, descendant vers la France. Ce soir-là, elle semblait plus bleue, petite prunelle de l’infini devant laquelle rêvaient déjà les pâtres de Chaldée et les âpres nabis de Yerouschalaïm !… Il n’y avait pas de lune. La lueur des astres tombait comme une poudre de saphir ; le vaste silence semblait grandir de seconde en seconde ; et Gredel, sa face pâle levée dans les ténèbres, avait l’illusion de vivre en plein ciel…

Brusquement, elle vit quelque chose de pâle qui planait au-dessus des collines. Ce fut d’abord comme un nuage, puis on eût dit un oiseau fabuleux, un rapace colossal ou plutôt le fantastique rock des Mille et une Nuits… Cela s’approchait du château. La jeune fille entendit un ronflement, une palpitation métallique… La machine fut proche, elle se mit à descendre ; une voix appela Gredel… Tremblante de tous ses membres, elle comprit… et quand l’aéroplane fut sur la terrasse, elle se laissa saisir, elle ferma les yeux, tandis que de grands cris montaient… Déjà la machine avait repris son élan ; au bout de la terrasse, près de l’escalier de granit, elle s’élança dans l’espace…

Gredel fut en plein firmament : elle volait vers