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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

nué d’argent et de perles, elle rappelait toutes les filles fraîches qui étincellent dans les romans du vieil Erckmann.

Jean la regardait désespérément.

— Regardez-la une dernière fois ! faisait l’ironique Roser… car vous ne la verrez plus… ou trop tard. Et n’essayez pas de l’enlever, beau Lohengrin, elle sera bien gardée… Il vous faudrait des ailes !

La maman Roser était venue, avec ses yeux bleu de vergissmeinnicht et son visage naïf. Elle soupirait, elle avait une âme rose, confiante, romanesque, mais elle n’était qu’une humble serve, nourrie de saucisse, de jambon et de kugelhof, qui ne voulait pas gâter ses digestions :

— Des ailes ! gémit-elle… Il lui faudrait des ailes. Jean Vallery écoutait mélancoliquement l’Alsacien tyrannique et il épiait Gredel :

— Pourquoi m’avoir reçu ? fit-il avec reproche.

— Est-ce que je suis forcé d’accorder la main de Gredel à ceux que je reçois ! s’esclaffa l’autre… Allons ! il faut en finir, je vous autorise à lui dire adieu !

Il fit un signe à Gredel qui accourut à petits pas lestes. Elle semblait devenir plus charmante à chaque mouvement ; quand elle fut proche, quand ses yeux immenses où se mêlaient les éclairs du saphir oriental et de l’aigue-marine se fixèrent sur Jean, il fut saisi d’un ardent désespoir.

— Gredel, fit rudement le père, j’ai refusé ta main à ce monsieur.