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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

« Nous l’avions, effectivement ; après quelques soubresauts, la barquette échoua sur le sable.

« — Hein ! Sauvés… La rosse de mer, elle est bernée ! mugit mon Provençal. Voyez-vous, quand on a la veigne ! Aujourd’hui, je sentais que j’irais jusqu’au bout, dès le momain où j’ai filé à votre secours.

« — Comment ! m’écriai-je avec stupéfaction. Vous aviez pris la mer pour me sauver ?

« — Un peu, mon bon ! Je vous suivais de là-haut, tenez… et de me painser que vous étiez tout seul, ça me crevait le cœur. Je me dis : « Pascalon, si tu n’es pas un couillon, tu iras jouer la partie avecque lui, bagasse ! » Et comme je suis obstiné, biengue, j’ai marché, quoi !

« Mes yeux étaient pleins d’eau. Je regardais ce brave homme avec une exaltation de reconnaissance. Et, lui ayant saisi les mains :

« — Ah ! mon ami, m’écriai-je, mon héros ! C’est entre nous à la vie à la mort !

« — Vous emballez pas ! riposta-t-il avec un attendrissement sur sa face bistre. C’est tout naturel, vé ! Et puis, soyons pratiques. Il faut se sécher, se réchauffer et manger un morceau.

« Il me conduisit dans une bastide, construction solitaire et lézardée, où il alluma un feu d’épaves.