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LA FILLE DU MENUISIER

le cœur… un joli petit frisé comme ça, avec de bons yeux… non, vrai ! j’trouve ça pire qu’d’aller à la fourrière… Savez-vous quoi ? Ça m’dirait de l’emmener… J’gagne ma pièce de dix francs… J’ai qu’une fille… Y s’rait très bien à la maison… et j’vous promets, pisque vous êtes comme qui dirait des barons, malgré vos frusques… qu’j’y donnerais un métier distingué… quéque chose comme dessinateur… ou graveur… ou peintre d’enseignes…

Le comte Népomucène et les autres avaient daigné entendre ce discours. Au fond, c’était une solution moins humiliante pour le Nom que l’orphelinat : le petit serait perdu dans un faubourg ; il ferait peut-être à la famille la grâce de claquer. Ils se regardèrent, puis le comte dit avec sévérité :

— Vous savez, mon brave homme, si vous le prenez, il n’y aura pas à s’en dédire !..,

— On s’dédira pas, cria le menuisier… On a du cœur… et puis du bon !… Alors, c’est dit ?

— C’est dit ! fit solennellement Népomucène.

— Et toi, mon gosse, quèque t’en penses ?

Richard ne répondit pas ; il se précipita vers l’ouvrier ; il se réfugia, il se pelotonna entre les bonnes grosses mains qui le saisirent et le soulevèrent dans un grand geste protecteur.

— Pour les enfants, continua Landa, les plaisirs ne sont pas dans les choses : les choses, pourvu